En Chine, le mode de pensée phallocratique allié à la politique de l’enfant unique pousse les femmes à interrompre leur grossesse simplement parce qu’elle porte un fœtus féminin. C’est ainsi qu’un bébé fille sur cinq succombe à l’avortement sélectif chaque année. Pour intensifier sa lutte contre ce fléau, l’organisme Plan International lance en 2013 un film Web percutant intitulé Daughter.

À travers sa campagne Because I Am A Girl, l’organisation de solidarité Plan International défend depuis 2007 les droits des jeunes filles dans le monde, notamment en Chine, où sévit le fléau de l’avortement sélectif des fœtus féminins. En moyenne, chaque année, un bébé fille sur cinq trouvera la mort avant même de naître.

En Chine, on considère le garçon comme le véritable descendant de la famille. L’homme seul assure la perpétuité du nom de la famille. L’homme seul peut se tailler une place de choix dans le monde et mener une vie prospère qui rejaillira sur ses parents.

Bref, la naissance d’une jeune fille suscite rarement l’enthousiasme. En particulier dans les territoires où s’applique cette politique étrange de l’enfant unique, la supposée « solution » à la trop forte pression démographique du pays. Dans la conscience des couples chinois, une voix oppressante martèle sans cesse cette ritournelle : « Donnez naissance à une fille, et vos chances d’avoir un garçon sont foutues pour toujours. »

En janvier 2013, afin de sensibiliser la population chinoise au problème de l’avortement sélectif, Plan s’allie à l’agence de publicité Lowe China et lance Daughter, un film Web publicitaire de deux minutes. Il s’agit d’un authentique saut créatif en matière de sensibilisation.

Dans une tirade déchirante, les sanglots se mêlent à la promesse de compenser une féminité réprouvée.

Daughter raconte l’histoire d’une jeune fille mal aimée et rejetée par le silence implacable de ses parents. Drapée dans sa robe blanche, symbole de l’innocence, l’enfant tente désespérément de gagner l’amour d’une mère et d’un père indifférents. Quand elle sent l’imminence de l’abandon, elle s’abîme dans un ultime cri de détresse; une tirade déchirante, où les sanglots se mêlent à la promesse de compenser une féminité réprouvée. La porte de l’appartement, lorsqu’elle se referme derrière les parents, scelle le sort de la fillette, désormais livrée à elle-même.

On croit encore assister à une scène d’abandon jusqu’à ce que le dernier plan du film ­— celui où l’image de la jeune fille se dissipe — révèle la nature véritable du drame mis en scène : cette fillette invisible qui supplie qu’on lui donne une chance porte la voix d’une enfant condamnée à l’avortement. La signature du message tombe comme une lame sur le cœur des sensibles : One in five baby girls are aborted each year. Give baby girls a chance.

Ici, la stratégie consiste à ne pas communiquer directement sur le problème. On capte d’abord l’attention du public grâce à une fiction émouvante sans lien apparent avec le sujet, puis on opère un habile rapprochement entre le thème abordé — ici l’abandon cruel d’un enfant — et l’avortement sélectif des bébés filles. La disparition symbolique de l’enfant et deux phrases toutes simples assurent la compréhension du message.

Au fond, à travers ces petits détails scénaristiques, on raconte la condition des femmes ayant survécu au fléau de l’avortement.

En arrière-plan, le film brosse également le portrait d’une culture sexiste, en partie responsable du problème : la fillette drible maladroitement un ballon de soccer et échoue à se montrer l’égale d’un garçon; la mère seule débarrasse la table et lave la vaisselle tandis que le père se cure les dents avec indolence. Au fond, à travers ces petits détails scénaristiques, on raconte — peut-être sans le vouloir — la condition des femmes ayant survécu au fléau de l’avortement.

Daughter est le meilleur film publicitaire de sensibilisation qu’il m’a été donné de voir. Un spectacle à la fois beau et horrible. Il dépeint avec un sens aigu du drame une société où les filles, si elles ne sont pas avortées, seront mal aimées; un sort peut-être pire que celui de n’avoir jamais vu le jour.

 

Informations

Annonceur Plan International/Because I Am A Girl
Campagne : Daughter
Agence Lowe China
Pays : Chine
Date : Janvier 2013
Type de média : Film Web de 2 minutes
Directeur de la création : Qiang Zeng
Conceptrice-rédactrice : Cherry Wang
Directeurs artistiques : Qiang Zeng, Kidd Zhang

Évaluation du concept

Compréhension
80%
Spécificité
80%
Crédibilité
76%
Empathie
96%
Mémorisation
76%
Attribution à la marque
40%